INTERVIEW : KIM



KIM n’est pas un groupe : KIM est un homme-orchestre, il enregistre, joue, définit sa ligne de conduite musicale, il est le seul maître à bord de son aventure musicale. Prodigieuse : 17 albums à son compteur. Don Lee Doo est son tout dernier album et il enregistre déjà le numéro 18 de sa discographie. Don Lee Doo est léger comme une plume mais sophistiqué dans sa production. Malgré ses allures de musicien rêveur, KIM est surtout un mélomane doué qui méne sa barque comme il le souhaite. Interview avec comme fil conducteur, les albums qui ont compté pour notre BECK national.


THE ROCK TELEGRAPH : KIM, ta séléction d’albums pour l’interview est assez éclectique : elle va de Kate Bush en passant par Daniel Balavoine ou Pink Floyd ; nostalgique aussi, qu’est-ce que tu en penses ?

KIM : Je suis attaché aux années 80, elles étaient fun et un peu mélancoliques, il y avait moins d’hystérie. L’époque dans laquelle nous vivons est très énergique, mais quelque fois j’aimerais plus de calme. Pendant les concerts par exemple, il m’arrive d’interdire d’applaudir. Quand je termine une chanson les gens applaudissent directement, bien sûr ça me fait plaisir mais il y a un petit fascisme de l’applaudissement, du rythme, du comblage de vide ; alors parfois quand les concerts se passent très bien, je propose au public d’applaudir au bon moment. Du coup j’enchaîne quelques chansons sans applaudissements, et c’est extrêmement intéressant.

THE ROCK TELEGRAPH : Parmi les albums qui ont compté pour toi, il y a Kate Bush et « Hounds of Love ». Pourquoi Kate Bush ?

KIM : A l’époque, j’ai vu la vidéo d’un live où les gens se moquent de sa chorégraphie en live qui renvoie aux clips, elle a arrêté le live en 79 ou 80, au bout du deuxième album elle ne va plus en studio. Elle arrête la scène en 79 et les studios en 81, après elle ne sera que chez elle pour enregistrer et faire des vidéos. Ce qui me parle beaucoup chez elle c’est sa précocité, après je fais des parallèles un peu égocentriques à deux balles parce que c’est mon cas aussi. Je sait ce que c’est de commencer la musique adolescent, on se projette à l’âge adulte violemment alors qu’on a encore des restes d’enfance. Kate Bush est restée une femme-enfant, et d’ailleurs il y a deux choses intéressantes dans sa discographie, son titre « the man with the child in his eyes » par exemple, ou « the infant kiss », pour moi ces deux chansons marquent sa discographie de manière violente.

THE ROCK TELEGRAPH : A tes yeux, Kate Bush est-elle un génie ?

KIM : Oui et dans cet album « Hounds of love », elle va plus loin, avec sa voix soit enfantine, mutine, ou bien grave, comme une femme âgée, elle va même jusqu’à la ralentir pour en faire des monstres. Elle utilise le fair light, cet instrument qui permet d’échantillonner 8bits, et de rejouer les instruments de manière très rudimentaires. Elle joue du sampler, du piano, et elle oppose les deux.

THE ROCK TELEGRAPH :Tu m’as aussi parlée de Daniel Balavoine …

KIM : Daniel Balavoine et son album « Tous les cris les SOS », et comme Kate Bush ou Peter Gabriel, il utilise le fair-light en échantillonnant des fragments de bruits. D’ailleurs, sur you tube, Peter Gabriel lui-même explique que la musique devra véhiculer des émotions. En 84, il met des atmosphères, il échantillonne à droite à gauche et met des sons qui rappellent l’Afrique, le Moyen-Orient.

THE ROCK TELEGRAPH : en 84-86, il y a une vraie ouverture vers la world music…

KIM : Oui et les années 80 sont des années « en colère » où on pouvait gueuler, comme l’a fait Balavoine, et quand il est mort, ça m’a vachement marqué, je me suis dit : « qu’est-ce qui va se passer maintenant ? » et on a basculé à droite peu de temps après, plus rien n’a été pareil. Rétrospectivement je me rends compte que les gens qui gueulaient se sont banalisés.

THE ROCK TELEGRAPH : Est-ce pour toi le rôle d’un artiste, de contester, de se battre pour quelque chose ?

KIM : J’ai un morceau qui s’appelle Europa et quand je le joue en concert je le dédie à mon grand-père qui est mort et qui a beaucoup souffert du racisme parce qu’il était italien et aussi à mon beau-père actuel qui est Sénégalais et qui a du mal à avoir ses papiers, parce qu’il est musulman et quand j’en parle, les gens s’en branlent ; mais je ne suis pas non plus en concert pour lever le bras !

THE ROCK TELEGRAPH : qu'est-ce qui s'est passé d'aprés toi ? que signifie cette apparente indifférence du public ?

KIM : A un moment donné il y a eu une vulgarisation de la part des hommes de droite de tout ce qui était « contestataire », on s’est moqué de José Bové, de Manu Chao, on a mis tout ça dans la case des gens juste « énervés « ; j’ai des obédiences libertaires que j’ai beaucoup de mal à assumer aujourd'hui alors qu’au début des années 90, c’était possible.

THE ROCK TELEGRAPH : quelle couleur donnes-tu à ta musique ?

KIM : même si ça m’arrive d’écrire des paroles politiques, je n’ai jamais choisi un genre musical, même pas une couleur. Je ne me fixe aucune règle musicale, je m’interdis totalement tout leadership, c’est pour ça que je suis seul. Quand j’ai commencé à faire de la musique c’était pas comme on le pensait pour me donner tous les droits, c’était justement pour me les enlever ! Je joue de tous les instruments, non pas pour être présent partout mais pour effacer un instrument si j’estime qu’il n’est pas bien, et il n’y a aucun chef, je suis parfaitement libre. Mes contrats discographiques avec des labels ont toujours été les mêmes : je m’engage à ce que ce disque marche le mieux possible, mais je suis libre de tout, je prends absolument toutes les décisions.

THE ROCK TELEGRAPH : Comment en es-tu arrivé à signer chez Vicious Circle?

KIM : J’avais trés envie d’être sur ce label, justement parce que je les sais très à gauche depuis longtemps, parce qu’ils sont vraiment dans le « do it yourself » , mouvement qui est avant tout américain. Grâce à Vicious Circle, j’ai une liberté totale. Là par exemple on parle du prochain disque, je me suis engagé à ce qu’il y ait une dizaine de morceaux, sur une quarantaine de minutes. On est d’accord sur sa couleur, qui ne sera pas éloignée du dernier, il y aura beaucoup d’énergie, la pochette sera assez colorée encore une fois, et le titre renverra au titre précédent.

THE ROCK TELEGRAPH :Donc le prochain album sera la continuité de celui-là ?

KIM : Ce sera un peu la suite j’espère, et j’en aurai le contrôle tout le long. C’est aussi ce qui m’a coûté un peu cher et que je n’ai jamais vendu beaucoup de disque, parce que j’ai dû faire confiance à des gens qui étaient en accord avec ça. Mais même sur les gros labels, certains groupes font ce qui veulent, comme les Hermann Düne.

THE ROCK TELEGRAPH :Passons à Prince avec "sign’o’the times" qui fait aussi partie de ta sélection...

KIM :D’abord, c’est un double album, ce que je trouve fascinant, je me dis, les mecs se mettent à une table, ils se disent on va faire un double ou un triple album, un quadruple album, je me suis toujours dit qu’ils pourraient trier, donc c’est qu’ils n’ont pas envie de trier, ils décident qu’ils prennent leur temps pour dire ce qu’ils ont à dire. Mais, "Sign’o’the times" est aussi très aventureux, Prince a comme Kate Bush ce côte souble, gamin ou très viril. Certaines personnes disent qu’il est mégalo mais pour moi il ne l’est pas, je pense qu’il est paranoïaque. Effectivement il s’enferme dans un studio, donc il va avoir ce rapport avec l’intimité, ça j’aime beaucoup.

THE ROCK TELEGRAPH : Et cette « intimité », tu en as aussi besoin quand tu enregistres ?

KIM : Oui, la musique enregistrée se fait dans le recueillement, ça n’a rien à voir avec les concerts, les disques doivent se faire dans des moments très intimes. Je n’aime pas l’idée de faire des disques avec beaucoup de gens, comme Prince qui dirige tout et qui a ce côté isolé.

THE ROCK TELEGRAPH :Passons à Robert Smith, avec son album Japanese Whispers, autre album qui a compté pour toi…

KIM : Tout le monde s’en fout de ce disque, c’est une compil’ de 45 tours que les gens au départ ont trouvé assez niais, complètement candide. Robert Smith a tout à coup envie de faire cet album. Il oublie qu’il a des mélodies déprimantes et les déguise avec des synthés complètement pourris, il y a des vibraphones mais on ne sait pas pourquoi, des guitares « asiatisantes », mais il y a des moments de grâce aussi tout au long du disque, avec just one kiss, et ça passe inaperçu alors que si on écoute bien, cet album est rempli de petites mélodies partout puisqu’il est tout seul dans son studio, encore une fois voilà quelqu’un qui va de l’un à l’autre… »


ELEKTRA SPECTOR/ THE ROCK TELEGRAPH OCTOBRE 2008

ps : Les petits plus de l'interview :

* KIM, est né en 1977. Son premier souvenir musicale ? Ce tube des Bangles Radio killed the video stars et Dixxie Midnight Runner Come on Eileen qu’il regarde sur sa télé Brandt. En 80/81/82 : Art of Noise. Canal +, générique des Enfants du rock avec The Cure. KIM est un mélomane qui a une vision globale et fine de la musique. Vers 84-86, surgit l’espoir d’une société plus généreuse. Keith Haring, Coluche, Balavoine se révoltent à leur manière. Ceux qui se battent pour les pauvres, l’égalité des races, et dénoncent ce dont personne ne veut parler. On est loin du cynisme des années Sarkozy.Et tout d’un coup, KIM délaisse ses BD pour la musique. Il voulait faire ce que faisait Robert Smith. Arrive le jour où il enregistre son premier album. Au début des années 90. Fond sonore : Dominique A et Katerine, qu’il admire plus que tout, surtout Dominique A. Il enregistre une dizaine de morceaux, puis un 45 tours en 94. Pas mal de labels se montent à ce moment là. Ses potes lycéens se demandent pour qui il se prend. Nous pas : KIM est un artiste, discret, humble, qui sait où il va.

Don Lee Doo est signé chez Vicious circle, label basé à Bordeaux dont on vous reparlera trés vite.

1 commentaire:

kim a dit…

mais non, pas de probleme. J'ai fait des fautes sur quelques anneés et sur le titre de Balavoine. Mais ca ne me derange pas. J'ai adoré cette rencontre.

Merci encore.

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THE ROCK TELEGRAPH est un webzine de musique qui ne vous parlera pas de musique comme dans les grands magazines de rock. Pas de blabla savant. Beaucoup de subjectivité : ça me plait ? j'en parle. Sinon, je ne perds pas mon temps. Les coups de coeur, voilà comment The Rock Telegraph marche.