Absent de nos platines depuis 2003, Tricky le lascar de Bristol est aujourd’hui le boss de son propre label, BrownPunk, et de retour avec Knowle West Boy, un album surprenant qui semble presque apaisé. On a bien dit presque.
«Quand j’ai débuté avec Maxinquaye, cet album était comme un « fuck you ! » à la terre entière. Rien ne lui ressemblait, j’étais là, allez vous faire voir !! » déclarait Tricky à l’époque de Maxinquaye. Aujourd’hui, le bad boy se serait-t-il assagi ? Il prévient les journalistes qu’il ne mord pas. De son physique de boxer émane pourtant la nervosité de ces êtres sans cesse sur le fil du rasoir. Mais sur Knowle West Boy, Tricky baisse la garde. La parano de ses précédents albums a disparu. Tricky revient à l’essentiel, à ses racines : « Je me sens comme un gosse à nouveau » dit-il « Knowle West est le quartier où j’ai grandi ». Et il en est fier de son bercail : Bristol, le Council Estate de Knowle West. Un white guetto. Son grand-père est le précurseur des sound-systems de Bristol dans les années 40. Sa mère Jamaïcaine s’est suicidée lorsqu’il avait 4 ans et son père est une sorte de gangster local. Le jeune Adrian Thaws grandit dans les jupes de ses tantes et grand-mères. Il hérite de son surnom "Tricky bastard" à la suite d’une fugue. Il s’initie à la boxe, écrit son premier morceau en 80 et rêve de monter sur scène avec Terry Hall des Specials. Le baptême de feu est accompli. Adrian devient Tricky.
Il intègre le collectif Wild Bunch en 94 puis prend le large rapidement en avec Maxinquaye. Son premier essai en solo est une réussite. L’album est sulfureux. La voix rocailleuse de Tricky est en fusion avec la voix de l’angélique Martina. Tricky ne cherche pas à plaire, il veut se démarquer, rester lui-même, quitte à choquer ou à faire peur. Entre Maxinquaye et Knowle West Boy, Tricky quitte l’Angleterre pour Los Angeles et New-York où il se sent comme chez lui. Il s’installe dans le Bronx chez des cousins jamaïcains. Epuisé par le cycle infernal des tournées, concerts, et albums, ce retour aux sources via le Bronx est salvateur : « Nous faisions la queue comme tout le monde pour rentrer dans les clubs, personne ne savait qui j’étais » explique-t-il. Loin de ses racines, le moment est enfin arrivé pour rendre hommage à son quartier et à son enfance.
Cinq années s’écoulent entre son précédent album, Blowback et Knowle West Boy. Tricky cherche un label. Il aurait pu le faire sur BrownPunk mais Chris Blackwell* le lui déconseille. Knowle West Boy est finalement confié à Laurence Bell de chez Domino. Tricky éprouve la liberté de travailler les sons qu’il aime. Du blues anecdotique de Puppy Toy, à l’hommage avoué aux Specials sur Council Estate, Tricky réalise son rêve : « Sur cet album » explique-il « j’ai pu être Tom Waits ou l’ancien moi sur Past Mistake, ou un rapper Hardcore sur Coalition». Il prend des risques, donne la voix du Christ à l’Islandaise Hafdis dans Cross to Bear, inspiré par La dernière tentation du Christ. Puis, belle revanche sur le duo Madonna/Justin Timberlake avec une reprise effrontée du Slow de Kylie Minogue. Changement d’ambiance avec le déchaîné Baligaga parfait pour réveiller les clubs de Bristol ou Brixton.
Au final, Knowle West Boy est un album complexe- capable de brouiller les pistes. Tricky a joué comme un gosse avec ses propres références- The Specials, Blondie, Siouxie- se créant une communauté musicale à l’image du Knowle West natale. Et si Tricky estime que musicalement « tout a déjà été fait auparavant » aucun doute que cet album est unique. Et visionnaire. Bristol peut être fier de son fils prodigue.
Elektra Spector /
Elektra Spector /
ROCKTELEGRAPH
2008
*Chris Blacwell a fondé le label Island records et lancé la carrière de Bob Marley and the Wailers
*Les Council Estate sont ces quartiers populaires financés par le gouvernement anglais, l’équivalent de nos HLM.
Knowle West Boy est signé chez Domino. Tricky sera en concert le 11 octobre au 104, à Paris.
en concert le samedi 11 octobre au 104 : http://www.104.fr/#fr/
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